Si la technique de lipomodelage a été validée assez rapidement lorsqu’elle était réalisée pour reconstruction après une mastectomie totale, dans les cas de séquelles de traitement conservateur (sein ayant été traité par tumorectomie et radiothérapie), cette technique a été proposée initialement dans notre équipe en 2002 dans le cadre d’un protocole très strict, en collaboration avec l’équipe des cancérologues du sein et avec les encouragements et la bienveillance du Pr Alain Brémond, qui nous a accompagné pour mettre en place ce protocole avec la meilleure sécurité carcinologique possible. Dans cette indication, le risque de coïncidence avec un nouveau cancer du sein ou une récidive locale du premier cancer est en effet élevé (environ 1 % à 1,5 % par an). Le protocole doit être très strict afin de limiter ce risque de coïncidence, qui pourrait conduire à des récriminations de la patiente si elle n’a pas été informée correctement de son risque spontané et naturel de récidive locale.
Le protocole comprend un bilan d’imagerie du sein précis avecévaluation mammographique, échographique , et IRM, par un radiologue spécialisé en imagerie mammaire. Le lipomodelage est habituellement réalisé après avoir eu l’accord du radiologue spécialisé, et également du cancérologue qui suit la patiente (qui le plus souvent nous a adressé la patiente pour la correction des séquelles esthétiques du traitement conservateur). De même, un an après l’intervention, nous réalisons un nouveau bilan d’imagerie du sein avec mammographie et échographie ; en cas d’image suspecte une microbiopsie est réalisée par le radiologue. L’étude que nous avons publiée a permis de conclure que la technique du lipomodelage apportait une avancée considérable dans l’arsenal thérapeutique de la prise en charge des séquelles modérées du traitement conservateur.
Elle permet en effet de restaurer au sein un galbe et une souplesse qu’aucune autre technique chirurgicale n’apportait jusque là. L’imagerie mammaire n’est pas perturbée par cette technique et les transferts graisseux ne gênent pas la surveillance mammaire si le lipomodelage a été réalisé selon les règles de l’Art et si l’imagerie mammaire est réalisée par un radiologue ayant une bonne expérience en sénologie. Cette indication est cependant la plus délicate ; et nous préconisons de prendre en charge ces patientes dans le cadre d’une équipe mutidisciplinaire dont les différents membres de l’équipe connaissent parfaitement ce sujet, et une fois que le chirurgien plasticien ait fait sa courbe d’apprentissage (au moins 50 cas de lipomodelage du sein) dans des indications moins délicates. Selon les recommandations de la SOFCPRE, il est préférable de réserver cette indication aux équipes très entrainées au lipomodelage, au diagnostic et au suivi du cancer du sein afin de limiter le risque de coïncidence avec une éventuelle récidive locale ou un éventuel nouveau cancer du sein toujours possibles. Le rapport de l’HAS recommande d’attendre environ 2 ans après le traitement conservateur du cancer du sein pour envisager la correction par lipomodelage ou transfert graisseux, afin de limiter le risque de coïncidence avec une récidive locale (le risque de récidive locale est moins important après 2 ans).
Le lipomodelage avait été initialement proposé dans notre équipe pour les séquelles modérées de traitement conservateur pour lesquelles on ne disposait d’aucune technique disponible efficace. Puis avec l’expérience acquise, nous pouvons maintenant proposer cette technique pour les déformations importantes qui relevaient auparavant de l’utilisation d’un lambeau musculo-cutané comme le lambeau de grand dorsal, qu’il est actuellement préférable de garder en cas de mastectomie totalisatrice pour récidive de traitement conservateur (car il s’agit de la meilleure solution de reconstruction totale du sein).