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Technique Chirurgicale

Anesthésie

Du fait des quantités importantes de graisse nécessaires, la grande majorité des patientes bénéficie du transfert graisseux sousanesthésie générale. Le plus souvent, dans le cadre de la reconstruction du sein après mastectomie pour cancer du sein, ce temps de lipomodelage est réalisé en même temps que le temps de reconstruction de la plaque aréolo-mamelonnaire, et/ou de symétrisation du sein controlatéral. Une antibiothérapie prophylactique classique est habituellement prescrite en peropératoire, comme c’est notre habitude dans les différentes interventions de chirurgie plastique (une injection flash de céphalosporine de 2ème génération en début d’intervention). Il n’y a pas d’antibiothérapie spécifique prescrite du fait du lipomodelage.

 

L’anesthésie locale ne peut être réalisée que pour de petits lipomodelages, correspondant à une retouche pour corriger un éventuel défaut résiduel localisé.

 

Incisions

Pour les sites de prélèvement, les incisions sont faites au bistouri lame no 15. Pour le prélèvement abdominal, on utilise 4 incisions péri-ombilicales ; et une latérale de chaque coté, pour prélever la graisse latéro-abdominale et sus-iliaque. Pour le prélèvement au niveau des cuisses, nous utilisons une incision dans le sillon sous-fessier de chaque côté, une incision à la partie moyenne de la cuisse, une incision en sus-iliaque et une incision à la face interne des genoux. Nous réalisons une infiltration de la zone de prélèvement au sérum adrénaliné (1 mg d’adrénaline dans 500cc de sérum physiologique).

 

Pour le site receveur mammaire, s’il y a déjà des incisions, nous essayons d’inciser dessus. Afin de croiser les tunnels de transferts, il faut disposer de 3 à 6 incisions dont 2 dans le sillon sous-mammaire, et 1 au niveau du décolleté. Les incisions sont faites habituellement avec le biseau coupant d’un trocard, afin de limiter la longueur de ces incisions.

 

Prélèvement de la graisse

Les travaux récents concernant les transferts graisseux ont contribué à standardiser la technique de prélèvement et de transfert de graisse, et à limiter ainsi les aléas de chaque étape. La rigueur dans le travail des différentes étapes permet la survie de la graisse à court, moyen et à long terme. La canule de prélèvement est une canule à usage unique, ou une canule de prélèvement de 3,5 mm dédiée à cette intervention (Cf espace Médecins). Il s’agit de canules à bout mousse, qui peuvent être passées par des incisions de 4 mm, réalisées à la lame N° 15. Le prélèvement se fait à la seringue, plus respectueux de la graisse, et évitant les irrégularités des zones de prélèvement. La seringue de 10 ml Luer-lock, est adaptée directement sur la canule de prélèvement. L’aspiration se fait avec une dépression modérée, afin de réduire le traumatisme adipocytaire. L’aspiration mécanique trop violente pourrait avoir un effet délétère sur la survie adipocytaire. Certains utilisent l’aspiration classique, comme une liposuccion à la canule et la machine, afin de gagner du temps, mais il est possible que la graisse soit endommagée par cette pratique, et qu’ils obtiennent ainsi des résultats moins bons. La quantité de graisse prélevée doit être assez importante pour tenir compte de la perte liée à la centrifugation et à l’hypercorrection nécessaire (si elle est possible) lors du temps de transfert de graisse. La technique opératoire doit être très précise et respecter les principes chirurgicaux que nous avons recommandés afin d’avoir le résultat souhaité. La technique doit être précise et délicate pour obtenir le résultat escompté.

 

Afin de parfaire le résultat morphologique, les zones de prélèvements sont uniformisées en fin de prélèvement avec une canule de 4 mm. Les incisions cutanées sont fermées par des points de fil fin à résorption rapide (4/0 Vicryl rapide). Un pansement simple est mis en place en fin d’intervention et est laissé en place 5 jours.

 

Préparation de  la graisse

Au fur et à mesure du prélèvement, l’aide opératoire va conditionner les seringues pour permettre la centrifugation : un bouchon est vissé sur la seringue, et les seringues sont ensuite centrifugées par lots de 6, durant 20 secondes à 3200 tours/mn.

 

La centrifugation va permettre de séparer la graisse prélevée en trois phases :

  • une phase superficielle contenant de l’huile (liquide huileux riche en chylomicrons  et en triglycérides) issue de la lyse cellulaire ;
  • une phase inférieure, contenant les résidus sanguins et le sérum, ainsi que le liquide d’infiltration;
  • une phase moyenne, contenant la graisse purifiée qui est la partie utile du prélèvement. C’est cette phase qui sera transférée, les autres phases étant éliminées (la phase inférieure est éliminée simplement en ouvrant le bouchon; la phase supérieure est éliminée en faisant couler l’huile surnageant la phase moyenne).

 

L’équipe doit être bien organisée pour préparer la graisse de façon efficace et rapide. Grâce à un robinet 3 voies, il est possible de regrouper la graisse pure par unité de 10 ml, en transférant d’une seringue vers une autre.

 

Transfert de la graisse

Après préparation de la graisse, on dispose alors de nombreuses seringues de 10 ml de graisse purifiée. Le transfert de la graisse se fait au niveau du sein, et est réalisé directement avec les seringues de 10 ml sur lesquelles sont adaptées des canules de transfert spécialement mises au point pour cette intervention, de diamètre 2 mm, légèrement plus longues et plus fortes que les canules de transfert utilisées au niveau de la région faciale car les contraintes mécaniques sont ici plus importantes car les tissus receveurs sont ici plus fermes et plus fibreux.

 

Les incisions au niveau du sein sont réalisées à l’aide d’un trocart de 17 G, qui permet une incision suffisante et limite la rançon cicatricielle qui sera punctiforme et pratiquement invisible. Il faut réaliser plusieurs incisions qui permettront de multiplier et de croiser les microtunnels de transfert. Le transfert graisseux se réalise par petite quantité sous la forme de fins cylindres de graisse ressemblant à des « spaghettis » de graisse. Il faut réaliser des micro-tunnels multidirectionnels. Le transfert se fait du plan profond vers le plan superficiel (des côtes jusqu’à la peau). Il faut avoir une bonne vision spatiale et former une sorte de grillage tridimensionnel afin de ne jamais réaliser de zones graisseuses en flaques, qui conduiraient à une cytostéatonécrose. Au contraire, chaque micro-tunnel doit être conçu comme étant enveloppé de tissu bien vascularisé. Le transfert se fait sous faible pression, en retirant doucement la canule.

 

Il faut savoir sur-corriger la quantité à transférer, si les tissus receveurs le permettent (si ils ne le permettent pas, il faudra envisager plus tard une deuxième session), car il faut escompter une résorption d’environ 20 à 30 % du volume transféré. Il faut donc appliquer la règle des 140 %, c’est-à-dire qu’il faut injecter 140 ml de graisse lorsqu’on escompte obtenir 100 ml.

 

Lorsque les tissus receveurs sont saturés de graisse, et qu’ils n’acceptent plus de tissu adipeux, il ne sert à rien d’insister, sinon on risque d’induire des zones de cytostéatonécrose (respect du principe de saturation du tissu receveur). Mieux vaut revenir pour une séance complémentaire, qui sera alors beaucoup plus aisée, et qui sera réalisée quelques mois plus tard. Les sutures au niveau du sein sont réalisées à l’aide de points de fil très fin à résorption rapide (Vicryl rapide 4/0), et un simple petit pansement sec est mis en place pour quelques jours au niveau du sein. Un pansement type Tulle gras est mis en place en cas de fasciotomies réalisées dans le même temps (Cf ce chapitre).

 

Gestes annexes
Liposuccion du sillon sous mammaire

Dans certains cas de patientes ayant une zone sous-mammaire assez grasse et un sillon peu marqué, il est utile de réaliser uneliposuccion de la région sous-mammaire sur 7 à 8 cm de haut de façon à « dégager le sein », et augmenter sa projection et la définition du sillon sous-mammaire. Cette liposuccion se fait par une incision sous-mammaire, et est très efficace chez les patientes ayant une bonne adiposité sous-mammaire. Cette technique permet également de définir le V inférieur à la jonction des deux sillons sous-mammaires sur la vallée inter-mammaire.

 

Fixation du sillon sous mammaire

Dans de rares cas, le sillon sous-mammaire est très peu marqué, voire inexistant. Or, nous considérons le sillon sous-mammaire comme la fondation du sein. Il est alors utile de créer, ou de recréer le sillon sous-mammaire en utilisant la technique du lambeau désépidermisé. Cette technique consiste à repérer le niveau du sillon sous-mammaire, réaliser une ellipse cutanée de 5 ou 6 cm de large par 2 ou 3 cm de haut, qui est désépidermisée, puis la partie haute de l’ellipse est incisée, et ce lambeau désépidermisé est fixé à la paroi thoracique de façon à bien marquer le sillon sous-mammaire. Le principal avantage de cette technique est de donner un sillon sous-mammaire bien défini et bien marqué. L’inconvénient de la technique est une cicatrice de 5 à 6 cm mais qui est habituellement cachée dans le sillon sous-mammaire.

 

Dans les cas où cette technique s’avère nécessaire, nous commençons habituellement par la fixation du sillon sous-mammaire, puis nous réalisons le lipomodelage du sein.

 

Fasciotomies

Lors du temps de lipomodelage, il apparait assez souvent des zones fibreuses qui empêchent le transfert graisseux. A ces endroits, il est utile de réaliser une libération de ces brides et de ces adhérences fibreuses par la technique des fasciotomies. Cette technique consiste à mettre les tissus sous tension, à l’aide d’un crochet double, et de sectionner à travers la peau, « à l’aveugle », par un trocart 18 G. Cette section des brides fibreuses doit se faire de façon étagée, afin de réaliser un véritable grillage permettant d’accueillir les greffes de tissus graisseux entre les mailles du grillage. Il faut faire attention de ne pas décoller la zone concernée, car la graisse prendrait moins bien et ce geste pourrait entrainer une dévascularisation du site receveur.

 

La technique de fasciotomies est très efficace et très puissante: sur une série 1000 cas traités par fasciotomies par mes soins, nous avons montré l’efficacité de cette technique. Dans 1 cas, nous avons eu une souffrance cutanée de quelques millimètres qui a nécessité la mise en place de deux points de suture. Il ne faut cependant pas abuser de ces fasciotomies, car cela pourrait augmenter le taux de cytostéatonécrose. L’expérience est ici importante pour bien juger de la nécessité, et de la quantité de fasciotomies à réaliser pour obtenir le meilleur résultat sans compromettre la prise de greffe de tissu, ni prendre de risque vasculaire au niveau de la peau. Ces gestes de fasciotomies sont intéressants dans pratiquement toutes les situations de lipomodelage, mais plus spécialement dans les cas de reconstructions mammaires avec zones fibreuses, notamment post-radiques, les séquelles de traitement conservateur, les seins tubéreux, le pectus excavatum, et le syndrome de Poland. Dans certains cas de chirurgie esthétique, il peut exister également des petites zones fibreuses, qu’il est utile de libérer par la technique de fasciotomies.